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Exemple

01 avril 2020

► Un peu d'Histoire: la pipe contre la peste



Aucun parallèle n'est à faire entre la pandémie actuelle et l'épidémie de peste bubonique qui décima la population londonienne au 17° siècle, ni dans la nature de la maladie ni dans les façons de s'en prémunir. Mais il est intéressant de lire ce que certains "savants" de l'époque affirmaient.

Nous reproduisons ci-dessous un passage de l'article de Wikipédia consacré à cette sombre page d'Histoire. Un texte repéré par Matthias, lecteur de Pipe Gazette.

Le tabac est introduit d'Amérique en Europe entre 1556 et 1565. Comme les autres plantes du Nouveau-Monde, on lui prête de nombreuses vertus médicinales. Le médecin hollandais Isbandis de Diemerbroeck (1609-1674) fait du tabac le meilleur préservatif contre la peste, lors de l'épidémie de Nimègue de 1635-1636.

À la différence d'autres fumigations, grâce à la pipe, le tabac peut être fumé près de la figure, ce qui la protège mieux tout en libérant les deux mains. La pipe est un moyen très commode pour les ramasseurs et fossoyeurs de cadavres. Le tabac peut aussi être mâché, prisé, ou pris en potion (en poudre dans du vin, pour servir d'émétique).

Le 7 juin 1665, Samuel Pepys note dans son journal qu'il se sent obligé d'acheter du tabac devant la menace. Cette année-là, les autorités rendent le tabagisme obligatoire pour les écoliers, et au collège d'Eton, les élèves qui refusent de fumer sont fouettés. 

Un dépôt de pipes a été découvert lors du percement de la ligne de métro de Picadilly, à proximité d'une fosse commune de la peste de 1665.


VUES

14 commentaires :

D.P. a dit…

Une page d'histoire qui nous rappelle que chaque époque a ses croyances. Aujourd'hui encore certains prophètes tentent de nous prendre des vessies pour des lanternes.

Matt a dit…

Deux éléments permettent de mieux comprendre et situer ce qui peut nous paraître aujourd'hui, avec raison, choquant et risible. D'une part, les médecins européens, aux XVIème et XVIIème siècle, en attribuant des vertus au tabac, n'ont fait que prendre exemple sur la pharmacopée des Indiens d'Amérique. D'autre part, 1665, année cruelle pour les Anglais, est aussi l'année de la création du "Don Juan" de Molière qui commence ainsi : Sganarelle, tenant une tabatière. "Quoi que puisse dire Aristote et toute la philosophie, il n’est rien d’égal au tabac : c’est la passion des honnêtes gens, et qui vit sans tabac n’est pas digne de vivre."

mpm.bandit a dit…

Le tabac a fait partie, et fait toujours partie, sous forme d'extraits, de la pharmacopée. Ses "vertus" sont réelles ce qui n'enlève en rien à sa toicité. Pour mémoire, un article ue j'avais rédigé il y a déjà quelques annéees : http://le-tasse-braises.variousforum.com/t9381-des-bienfaits-du-tabac-origines-d-un-usage-public

Bertrand Semois a dit…

Merci à toi pour cet article historique très instructif.

Emilien Joffroy a dit…

On est peut reconnaitre des vertus au tabac, mais celui de protéger des épidémies... Enfin au 17ième siècle, on comprends qu'ils y aient cru.

Matt a dit…

150 ans plus tard, dans "Essai sur le tabac", thèse soutenue le 8 août 1815 à la faculté de médecine de Paris, pour obtenir le grade de docteur en médecine, son auteur, Louis-Alexandre Arvers discute encore de la pertinence des affirmations du médecin hollandais Diemerbroeck cité dans l'article mais semble plus mesuré dans sa conclusion : "Il résulte de ces faits que la fumée de tabac ne peut être regardée comme un préservatif infaillible contre l'action des miasmes délétères de la peste, mais qu'elle a garanti de leur impression un assez grand nombre d'individus pour que son utilité ne soit point méconnue." Et il poursuit en conseillant au personnel soignant de fumer en période d'épidémie. Ce qui montre à quel point cette idée de l'efficacité du tabac contre la peste resta longtemps ancrée dans les esprits les plus scientifiques.

Thierry A. a dit…

Mais la fumée du tabac protège du coronavirus ! Non ...?? Il s'agit de rester fumer sa pipe chez soi :)

Matt a dit…

Dans son émission d'aujourd'hui, Jean Claude Ameisen évoque la médecine du XVIIème siècle. Une conception de la médecine qui a eu cours jusqu'au début du XIXème siècle. A partir de 19 minutes et 50 secondes.

https://www.franceinter.fr/emissions/sur-les-epaules-de-darwin/sur-les-epaules-de-darwin-04-avril-2020

Emilien Joffroy a dit…

Heureusement qu'on en ai revenu :)) Merci pour l'extrait.

D.P. a dit…


Pour rappel, cette réplique célèbre dans Don Juan de Molière:

"Quoi que puisse dire Aristote, et toute la philosophie, il n'est rien d'égal au tabac, c'est la passion des honnêtes gens; et qui vit sans tabac, n'est pas digne de vivre. non seulement il réjouit, et purge les cerveaux humains, mais encore il instruit les âmes à la vertu, et l'on apprend avec lui à devenir honnête homme. "
Don Juan ou le Festin de pierre, I, 1

Un lien intéressant, où il est aussi question d'un ballet italien du 17° siècle, "Il Tabacco":

http://moliere.huma-num.fr/base.php?Rien_d%27%C3%A9gal_au_tabac

Matt a dit…

Merci, D.P. Molière n'était sans doute pas entièrement convaincu par la science des médecins de son temps...
Le 26 octobre 1974, l'émission de Pierre DUMAYET était consacrée à la peste.
Avec l'historien Jacques Le Goff et le docteur Jean-Noël Biraben.

https://www.youtube.com/watch?v=x7EmrIyylSA

Matt a dit…

Dans "Les hommes et la peste en France et dans les pays européens et méditerranéens" (tome 2, 1976), Jean-Noël Biraben écrit : « L’Europe entière au XVIIème siècle se met à fumer dès que la peste menace » .

L'article consacré à la peste de l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert, parmi les nombreux remèdes mentionnés, précise : "On évite l’air empesté par la fuite, ou bien on le corrige par des fumigations, des parfums, avec des odeurs, en les approchant souvent du nez, pour corriger l’air à mesure qu’on respire."

Matt a dit…

Du "bon tabac en corde bien mûr" :
Pour terminer, laissons la parole au médecin hollandais Isbandis de Diemerbroeck qui nous raconte son quotidien de fumeur de pipe et de médecin lors de l'épidémie de Nimègue (1636-1637). Je n'ai fais qu'actualiser la conjugaison de cette ancienne traduction du 18ème siècle reprise et publiée dans le magazine "Le Magasin pittoresque" en 1841 : "à dix (heures), si j'avais le temps, je fumais une pipe de tabac ; après dîner, j'en fumais deux ou trois, autant après souper, et fort souvent dans la journée, si l'occasion s'en présentait, j'en fumais encore autant. Mais lors que je me sentais le moins du monde incommodé de la puanteur des malades ou des maisons infectées, je quittais toutes mes affaires, quelque importantes qu'elles fussent et à quelque heure du jour que ce fût, pour tirer la fumée de deux ou trois pipes de tabac ; car, à dire vrai, j'ai toujours regardé cette plante comme le meilleur préservatif contre la peste. Ce n'est pas tant le raisonnement que ma propre expérience qui m'en a convaincu, et je ne pense pas qu'on en ait trouvé un plus sûr jusqu'à présent pourvu que ce soit de bon tabac en corde bien mûr."

Matt a dit…

Ceux qui souhaitent en savoir plus sur cette page tragique de l'Histoire de Londres pourront lire le récit saisissant de réalisme qu'en a fait Daniel Defoe, l'auteur du légendaire "Robinson Crusoé", dans son ouvrage intitulé "Journal de l'Année de la peste". Disponible en français (Editions Gallimard), il est aussi possible de le lire dans la langue de Shakespeare avec le lien ci-dessous :

https://www.gutenberg.org/files/376/376-h/376-h.htm