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Exemple

25 mai 2020

► Pipe Butz-Choquin des années 80: une beauté mais...



Cette Butz-Choquin*, faite à Saint-Claude au début des années 1980, est de forme n°1401 dans le catalogue BC. C'est une robuste billiard, montée d'un tuyau en ébonite portant la pastille de la marque. Un beau et fin tuyau, fabriqué à l'époque par la maison Jeantet. 

Cette pipe fait partie de la série "Supermate". Le bois est laissé tel quel, naturel. On voit que la bruyère a de magnifiques oeils-de-perdrix. 



Seulement, malgré la beauté indéniable de cette bruyère, elle n'était pas sans défaut. Déception: deux points de mastic masquant des imperfections sont apparus rapidement après que je l'ai fumée une dizaine de fois. Pas énormes, certes, mais suffisamment visibles pour me contrarier — je fais une allergie psychologique au mastic.

Deux solutions pour pallier cet inconvénient: le sablage (ç'aurait été dommage, car le bois est vraiment beau et ce type de grain ne donne pas toujours un résultat exceptionnel après avoir été sablé) ou le chevillage. J'ai choisi cette deuxième solution, confiant ma Butz-Choquin à l'artisan Pierre Voisin. 

Cette technique de chevillage, assez peu pratiquée, consiste à éliminer le mastic et à le remplacer par un tout petit morceau de bruyère, taillé en forme de cône, qui va venir s'insérer dans le bois de la pipe. Il convient auparavant de percer ce bois à l'endroit incriminé, avant d'y introduire la cheville en forçant un peu, afin qu'elle soit totalement intégrée.


La pipe percée en surface, aux endroits où se trouvait le mastic
 La pose d'une cheville

Sur la BC en question, il s'agissait donc de cheviller à deux endroits différents.  « Pour la cheville introduite sur le pourtour du fourneau, l'opération a parfaitement réussie, explique Pierre Voisin. Elle est presque invisible ». Ce que je confirme totalement: il faut vraiment la chercher pour la trouver. 


 À gauche, cheville invisible. À droite, elle apparaît nettement.

« En revanche, poursuit Pierre, pour la cheville du dessous du fourneau, je n'ai pas réussi à la rendre discrète. C'est pourtant le même bloc de bruyère que j'ai utilisé pour les deux chevilles. Mais le dessous de la pipe a sans doute un bois plus dense, moins "élastique", et la cheville n'a pas trouvé aussi bien sa place. La cheville était peut-être elle-même plus dense. Résultat, on la voit davantage. Et cette densité m'a empêché de faire pénétrer une légère teinte, qui aurait harmoniser le tout ».

Mystères et aléas de la bruyère... Toujours est-il que cette intervention a permis de supprimer le mastic, de faire appel à la bruyère, matière noble, pour boucher deux petits trous. Et même si l'une des chevilles n'a pas la discrétion de l'autre, le résultat est vraiment intéressant et me satisfait. Cette pipe Butz-Choquin des années 80 a désormais la bruyère chevillée au corps.
N.S.


(*) Pour rappel: l'entreprise Berrod-Regad, qui fabriquait les pipes BC à Saint-Claude, a été mise en liquidation judiciaire en septembre 2019. Cependant, la société Butz-Choquin existe toujours. Rien n'empêchera son propriétaire, Denis Blanc, de continuer à faire vivre la marque en confiant peut-être la fabrication à une autre usine.

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22 commentaires :

D.P. a dit…

Incroyable histoire et belle intervention. Même si la deuxième cheville est plus visible, c'est quand même une bonne idée.

Jacques V. a dit…

Quel beau bois. Où trouver ce genre de pipe ?

Michel a dit…

Chapeau Pierre voisin Chapeau l'artiste

Certes la deuxième cheville est visible pour qui veut bien passer cette pipe au scanner
car il faut vraiment la chercher ,d'autant qu'elle est en bas du bol
Le bois est magnifique avec ses yeux de perdrix
Bel objet qui ne fera pas d'ombre à ta collection qui doit être ,je présume ,prestigieuse
mon cher Nicolas

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

C'est une pipe retrouvée par hasard lors de rangements.

Gilmieug a dit…

C'est une technique que j'ignorai. N'y a-t-il pas moyen de reteinter la cheville pour qu'elle ait la même couleur ?

Bertrand Semois a dit…

Merci pour cet article complet sur cette solution aux gros défaut du bois.

Anonyme a dit…

Peut être peut on aussi accepter les défauts d'une pipe considérant qu'ils font partie de son identité, de sa personnalité ?

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

Avec du mastiquage?

Anonyme a dit…

Je n'avais pas prévu de développer Nicolas mais après tout ...
Si caractère et personnalité sont liés à la seule beauté, en effet le masticage devient difficilement supportable. Si au contraire vous pensez l'objet comme un tout avec ses qualités et défauts, même le masticage fait partie de l'identité de cette pipe, elle a été fabriquée ainsi, à tort ou à raison. Mais elle est arrivée comme produit fini telle quelle. Dans son entièreté. Et Nicolas en aucun cas il s'agit de critiquer votre démarche, c'était juste une proposition alternative. Des fois le lâcher prise, le détachement apportent un peu de sérénité.
Je vais vous taquiner mais si la couleur des chevilles évolue différemment de celle de la pipe, n'allez vous pas être ennuyé ?
et enfin merci d'avoir alimenté le blog tout au long du confinement c'était comme une fenêtre grande ouverte et plein d'air frais
amitiés
Jean-Philippe

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

Pas de problème, mais je préfère personnellement une matière « noble » (du bois) à un rebouchage synthétique. Et je trouve que l’expérience est intéressante.

Anonyme a dit…

C'est pour cela que j'achète mes pipes à mon ami Pierre Morel, elles sont toujours sans défaut. Et puis comme je lui dis parfois comme ce sont celles d'un ami cher pour moi elles ont une "âme" c'est un lien entre nous. Si vous êtes proche de Pierre Voisin je pense que nous nous comprenons car en dehors de corriger un défaut de la bruyère ou d'usinage, M. Voisin lui a donné un supplément d'âme

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

J'aime beaucoup les réalisations de Pierre Morel aussi, Jean-Philippe. Il sable ou il rustique quand il a du bois avec défaut.

Anonyme a dit…

Microchirurgie.
GG

Jack a dit…

Ce que j’aime chez les fumeurs de pipes ( que je suis) c’est la passion pour l’objet. Chaque achat est une histoire, une émotion’, une épopée... Merci Nicolas d’alimenter notre passion. Jack

Nightcap a dit…

Le problème avec Saint-Claude, c'est souvent ça: le mastic. On voit un beau bois, qui vous fait de l'oeil (de perdrix, souvent) ou qui vous déclare sa flamme. Vous établissez une relation intime avec elle et là, vous réalisez qu'elle est pleine de défauts. En cela, rien de choquant. Qui n'a pas connu une telle expérience? Le problème est que des défauts, le belle a voulu vous les cacher, en se disant que quelques pansements permettrait de masquer les vices. Au moins au début, le temps de vous faire roucouler. Mais le réveil est difficile...

Anonyme a dit…

Question technique la cheville traverse elle toute l'épaisseur du bois ou juste la moitié par exemple ?

Cordialement

Petuneur Breton

Anonyme a dit…

Bonjour,

C'est la première fois que j'écris sur ce blog et je voudrais remercié grandement Nicolas pour ses articles et pour nous tenir au courant. C'est magnifique les gens passionnés !

Il me semble que même les pipes sablées peuvent être mastiquées, j'ai une belle Stanwell sablée noire depuis des années et j'ai remarqué il y a quelques jours des changements d'aspects et de couleurs assez suspects a quelques endroits, bizarre ...

Bonne journée.

Olivier
de Bruxelles

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

@ Pétuneur breton: la cheville ne traverse pas tout le bois. C'est comme une pastille, en fait, de quelques millimètres de long.

@ Olivier: c'est vrai que certains pipiers se trouvant devant un bois plein de défauts mastiquaient "généreusement" puis sablaient... Je parle à l'imparfait, car il me semble que ça ne se fait plus. Enfin, espérons. Merci pour votre message ;)

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

Précisions apportées par Pierre: la cheville fait 2/3 de l'épaisseur du bois du fourneau, en sachant que la pointe est très fine. Donc, c'est plutôt un cône qu'une pastille, pardon.

Andre a dit…

Bonsoir

Y-a-t-il une raison technique a preferer un cone plutôt qu'une pastille?
En tout cas, belle reparation
Bonne soiree
Andre

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

Bonjour André.

Je suppose que ça s'insère mieux, d'autant plus qu'il n'y a pas de colle.

Anonyme a dit…

J'ai des doutes à propos de la colle car le bois bouge et la réparation peut tomber s'il n'y a pas de colle