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Exemple

21 novembre 2012

> LE BLACK CAVENDISH: UNE PETITE DOUCEUR ?

Dans le domaine des tabacs à pipe, l'offre se montre aussi pléthorique que les avis sont divergents. En la matière, la phrase faussement attribuée à Voltaire -"Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais..."- devrait tempérer les esprits surchauffés, tant les parties en présence sont parfois prêtes à se battre en duel pour défendre leur opinion respective peu respectueuse.
Longtemps sur la question, j'ai lu des avis aussi tranchés que la tête de Louis XVI un 21 janvier 1793.
Ne jurant que par un virginie hors d'âge ou un latakia syrien fumé au bois de chêne, considérant que le chypriote ne valait pas une livre, les docteurs en pipologie affirment parfois haut et fort que tout amateur de pétun parfumé ne saurait entrer dans le cercle étroit et inexorablement fermé de la haute société des fumeurs de pipe. 
En réalité, pour avoir humé les volutes de nombre de pratiquants de la bouffarde, chacun voit midi à sa porte et c'est tant mieux. 

Il est une catégorie de mélanges pour pipe qui n'a que rarement les faveurs des experts: le cavendish, appelé aussi black cavendish.
A ce sujet, je vous dois un aveu: ayant commencé à fumer il a plus de six lustres, mes premières amours en la marière m'ont amené à consommer et -j'ose le dire- à  apprécier ces feuilles noires au goût vanillé. La maturité venue, j'ai exploré avec délectation bien d'autres univers, celui du brun, du latakia, du virginia, laissant le cavendish au rayon des souvenirs d'une jeunesse sucrée.
Récemment, un ami s'étant procuré un tabac américain m'en a fait aimablement parvenir un échantillon. Dubitatif, mais curieux malgré tout de tenter cette aventure, je m'en suis noirci le bout des doigts pour en bourrer mon fourneau. M'attendant à un allumage difficile, à une saveur insipide (pardonnez l'oxymore), à une douceur écoeurante, je me suis lancé sans illusion.
Surprise: le feu démarra illico, la fumée vanillée se montra aussi légère que la crème d'un tiramisu, la combustion régulière jusqu'au dernier brin. J'étais donc réconcilié avec la famille Cavendish.
Déception: mon ami fournisseur de ce mélange, lui même alimenté par une voie détournée, m'annonça qu'il ne pouvait m'en procurer davantage et qu'il ne savait d'ailleurs pas véritablement d'où il provenait. 
Mais déception ne signifie pas désespoir. Sur les conseils de Patrick Cornu, j'optai pour un mélange de la même catégorie assez facilement disponible en France: le Holger Danske Black and Bourbon, recette danoise réalisée en Allemagne.
Soit, je me lançai. Ce tabac est constitué d'un mélange de burley et de viginie, dont certaines feuilles affichent la couleur noire caractéristique de cette "cavendishisation" (voir encadré ), le tout aromatisé au whisky. 
A l'ouverture du paquet, le parfum vanille/chocolat me monta vite aux narines. Au toucher cependant, point d'effet collant: ce Holger Danske se montra relativement sec -à tout le moins pas trop gras- ce qui s'annonçait positif pour la combustion. Cette qualité se confirma rapidement, deux ou trois flammes suffisant à démarrer l'allumage qui se poursuivit durablement et régulièrement, dégageant pour l'entourage un agréable parfum sucré et pour le fumeur une douceur de discrète friandise. Quant au bourbon, je dois vous révéler que je le cherche encore.
Au fil de l'heure qui suivit, le goût suave se maintint, nul ne fut besoin de tirer fort. Tout se déroula calmement, jusqu'aux derniers brins consumés. Il en resta juste quelques uns non brûlés au fond du fourneau.
Au bout du compte, j'ai connu l'agréable sensation de déguster un dessert. Certes, ce ne sera pas mon gâteau quotidien, mais les amateurs de tabacs aromatiques et tous ceux qui veulent varier les plaisirs gustatifs trouveront probablement avec ce Holger Danske Black and Bourbon matière à se réjouir.
Le black cavendish n'est pas une variété de tabac en soi, mais plutôt le résultat d'une transformation: les feuilles de virginia, de burley ou de maryland sont enduites de sucre ou de mélasse, empilées puis pressées comme un gâteau qui sera plus tard découpé. Entre temps, un lent processus de fermentation aura noirci les feuilles ainsi sucrées.

VUES

8 commentaires :

Unknown a dit…

Merci Nicolas, très bien écrit et oui pourquoi ne pas l'essayer!

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

Merci Ludo. On le trouve assez facilement. Tu nous diras ton point de vue.

hibou erudit a dit…

mmmhh,cher dégustateur,sans faire parti du cercle étroit et inexorablement fermé de la haute société des fumeurs de pipe,je m'interroge quand même de votre appétence pour des produits qui sont en général fait avec des tabacs peu gouteux abondamment saucés (parfois 30/100),la mélasse et autres succédanés coutant d'ailleurs moins cher que le bon tabac.

il est vrai qu'il y a des amateurs de fraises tagada,alors pourquoi pas le black cavendish?mais est ce bien raisonnable?

Langlois a dit…


C'est pas faux, ce que dit notre camarade Hibou Erudit : certains mélange participent plus de la friandise industrielle que de l'herbe à Nicot.

Bien évidemment, le fait que je ne jure que par le Semois et le Gris n'a absolument rien à voir avec cette remarque.

Bonnes volutes (de brun)à tous !

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

Oui mais, un petit dessert de temps en temps... Moi aussi, j'apprécie les tabacs bruns, purs, "virils", mais aussi les virginia, latakia et autres . Cependant, je ne fais pas la moue devant une pâtisserie. Après-tout, mange-t-on toujours des aliments purs, non transformés, sans adjonction de sucre ?

Anonyme a dit…

Fumeur d'Amphora rouge depuis longtemps, je vais essayer ce tabac. Merci.

CH. a dit…

Belle rédaction en effet. Mais une remarque: vous étiez défenseur acharné des tabac purs. Or ce cavendish est loin d'en être...

Nicolas de Pipe Gazette a dit…

Exact. Mais j'avoue honteusement avoir besoin parfois d'un peu de sucre. La vie, heureusement, nous offre de multiples cycles, parfois répétitifs . Ce retour aux sources (sucrées) me redonne les 20 ans que je n'ai plus tout à fait (Bon, je n'en suis pas très loin non plus, faut pas pousser).