TRIBUNE LIBRE, par Lucien J. Georges
Pipier depuis 35 ans, je me suis fait allumer par un simple fumeur qui se croit titulaire d’une chaire pipière à la Sorbonne. Piètre professeur puisque suffisant et méprisant, ce triste sire déblatère sans cesse sur un forum où j’ai demandé et obtenu ma radiation.
Depuis, je me sens pousser des ailes. J’étais pigeon de chasse royale, où les lâchers de volatiles sont salués par des salves de mousquets. Difficile, voire impossible, de passer entre les plombs de ducs et archiducs qui posent pour la photo devant leur tableau de chasse. Ayant zigzagué astucieusement, je suis donc un rescapé par miracle, ce qui me permet de raconter l’histoire de mes malheureux congénères, car il s’agit bien de la pipe française dont je voudrais parler.
La fine gâchette de cette chasse royale, tireur irrésistible, beau parleur multilingue, diplomé ès sciences pipières "everywhere in the world", est sa Majesté Chipartou, dont la divine mission est de massacrer ces manants de pipiers français qui empestent ses augustes narines avec du tabac gris qui pue.
Et du coup, permettez-moi de me présenter : Lucien J. Georges, artisan pipier corse mais bien français, issu d’une lignée centenaire de fabricants d’ébauchons. Mon apprentissage commence il y a 50 ans environ dans le maquis corse que je prospecte dans les moindres recoins pour approvisionner ma fabrique, laquelle représente dans les années 60/70 environ 25% de la production mondiale d’ébauchons. Me voilà fournisseur attitré de Chacom, Butz-Choquin, Savinelli et des meilleurs artisans danois, dont Sven Knudsen qui m’a appris le métier d’artisan pipier en 1975.
Me revoilà titulaire jusqu’à la finition de mes bruyères qui plaisent et m’ouvrent des portes dont celle de Zino Davidoff qui sélectionne lui-même régulièrement de magnifiques flammées pour son magasin de Genêve. Quelques autres enseignes suivent :Nat Shermann (New York), Ostermann (Vienne), Kuettel (Berne), Savinelli (Milan) et, pour la France, la Pipe du Nord, le Caïd, l’Oriental, la Boutique 22, la Civette du Palais Royal, Jean Nicolas à Lyon et d’autres. Au risque de fatiguer le lecteur, je n’évoquerai pas la longue liste d’amis fumeurs qui ont confiance en mon travail en commandant 1 ou 2 pipes, en renouvelant et en m’adressant des compliments.
Tout ceci pour mes beaux yeux ! Car moi aussi – par décret de sa majestée Chipartou – je dis et fais n’importe quoi. Paroles accentuées par ses disciples qui me taxent (profession oblige) de racolage sur les forums.
Chers amis fumeurs, chers amis fabricants, chers amis artisans, j’ai été dans l’obligation de vous infliger mon parcours et vous m’en excuserez. Je pense être tout simplement un bon pipier passionné, et si j’ai souhaité vous parler de moi, c’est parce que je sais que nombre d’entre vous ont suffisamment de connaissances pour ne pas se laisser hypnotiser par un marabout de la pipe et pour indiquer à Chipartou qu’il pourrait daigner tirer quelques enseignements de notre expérience.
Mais que n’ai-je dit ! Crime de lèse-majesté !
Au fond, qui est ce Chipartou ? Quelles sont ses compétences, ses connaissances en matière de bruyère et de fabrication de pipes ? A quel titre se permet-il d’être aussi odieux avec les artisans français ? Posez-lui la question. Posez-vous ces questions ?
J’ai cru entendre, ici ou là, Qu’il voulait aussi régner sur Saint- Claude et qu’il aurait obtenu la réponse suivante : "Circulez, il n’y a rien à voir". Voilà qui doit sans doute embrumer sa cervelle au point d’entretenir une rancœur tenace envers la pipe française. N’avons-nous pas dans nos rangs suffisamment de connaisseurs et d’artisans confirmés pour dire à ce stratège que nous connaissons le sujet mieux que lui, et qu’il est de sa part inopportun de nous barbouiller de conneries ?
Chacun sait parfaitement que nos collègues étrangers ont du talent. Chacun sait qu’il existe chez eux de véritables artistes de la pipe. Et finalement, Chipartou n’a rien à démontrer, sauf à ses ouailles, pour entretenir, au travers de son éloquence, une splendide auréole de fumée…de pipe Straight Grain, s’il vous plaît !
La cour poudrée assiste au Grand Lever du roi Chipartou, elle assistera peut-être un jour à son Petit Coucher …..
L.J.G.